Ben çà été rien. Sont pas tous gentils les Saint Christophe. Y’ en a des milliers en France et je suis tombé sur celui qui ne l’est pas. Celui qui gite sur l’Allier en Lozère. Pas très loin de Naussac. Ou le club séjourne depuis quelques jours. N’y allez pas, il a déjà quasi viré le curé !! Tombé c’est le mot. D’abord assis, quand Christian m’a dit qu’il n’y avait toujours pas de perrier dans ce bled déserté , ni de troquet d’ailleurs. Ça faisait un petit moment que je commençais de délirer, de divaguer. Qu’on me poussait dans la moindre petite côte.
Peut être même dans les descentes. J’en pouvais plus de tout du sucre, du pain, du chocolat, et autres pâtes de fruits, d’une partie de mes plaisirs de cycliste aux heures et aires de repos. Ma langue pendait dans le souffle d’une respiration haletante. Mon cerveau, ou ce qu’il en restait, ne rêvait plus que d’un verre de perrier, de bulles fraîches explosant sur un verre embué. Un pétillant de rêve affolait mon seul neurone encore en activité pour capter les mots de Jean Bernard qui s’était coltiné à la tâche de me venir en aide.

Comme dans le col de Penne autrefois, terrible remake dans la série drames et mélodrames, revenue en boomerang sur ma tête ravagée de sel , de sueurs, de mouches. Scotchées à mes bras et jambes pour cause de vitesse proche de la négative.

– Mais siiii ! Tu referas du vélo me disait JB, prends pas ta décision tout de suite, prend du recul…

– C’est çà !!! Comme  tout a l’heure, dans la pente à 16%, quasi en marche arrière.

– Mais si !!!! ” redisait il en me lançant comme une balle de bowling dans les côtes.

– Et une “côteleeeeeette” pour le trooooooois!!!!” criait il pour accélérer plus encore le geste du semeur qu’il est dans l’âme.

– Et en voituuuuuuure Simoooooone !!!!” ….

– Et rien ne vas pluuuuuuuus chez le 555555 !!!! enfonçait il un peu plus….

AH !!!! JB il y avait eu le col de Pennes et cette fois au lieu de m’abreuver de jugements sur une méforme manifeste il avait réagi immédiatement.
Un vrai président quoi.
Le médecin lui avait dit de mettre la pédale douce , de pas trop “pousser” et lui maintenant, au contraire, pour sauver une de ses ouailles, dépassait les limites autorisées.

Magnifique. Je ne moque pas. Superbe, il a été superbe. Çà c’est un président. T’imagines s’il lui était arrivé un accident cardiaque…les commentaires. Ben oui , c’est en poussant son trésorier que….tu vois …bien mal acquis ne profite jamais…Peut être aussi qu’il culpabilisait de nous avoir envoyer dans des pentes a 10 11 12 ….15 …16%
Si, si je l’ai vu sur mon Edge 810.

Parce qu’a un moment c’est pas dans le guidon que j’avais le nez ..c’est dans le GPS…carrément.
– D’accord en temps normal je les passe.

– D’accord je m’étais trompé de route.

– D’accord j’avais rebroussé chemin avec Christian.

– D’accord je m’en étais stressé , d’avoir fait 10 km de plus et 160 m de dénivelé complémentaire.
– D’accord je n’aurais pas du partir devant, sans le groupe, et me fier à mon électronique embarqué tiré de l’Airbus A380.
– D’accord je n’aurais pas du imiter Pléonasme.
(Pléonasme, c’est Domi. C’est pas moi qui l’ai dit c’est Lucien, celui qui cisèle les mots comme on lustre un patin de frein.
Simplement parce qu’elle part toujours devant, avant les autres. Par peur d’être distancée sur le plat. Sauf qu’ à force de prendre une marge , il lui arrive de pédaler en marge.
Si bien que, demander si Domi est devant est un tel Pléonasme, que, c’est maintenant son surnom dans le peloton.
C’est dommage car elle est si drôle et sympathique qu’on préfèrerais nettement l’avoir parmi nous.

Pour moi , c’est aussi la même chose. Mais à l’arrière. Il est où Patrick…?
– D’accord je n‘avais pas mangé au “petit dej” , d’accord j’avais déjà la nausée en me levant ce matin. Ma “sonde pitot” ne fonctionnait plus et donc :
– D’accord je n’aurais pas du partir et laisser mes camarades profiter de cette belle journée. Et pas les emme…..avec cette problématique…

Mais c’est toujours la même chose, quand on aime le vélo, qu’il fait beau , que les copains sont là , qu’on a fait quelques km pour venir en séjour, etc…etc…

Le tocsin n’as pas sonné. Et le glas non plus. Mais parce que la chapelle du village était fermée.

Pour qui sonne-t-il ? me serais je interrogé ? Chaque heure.chapelle st christophe

Moi aussi en orbite j’ai pas fini de tourner et on est sacrément nombreux là haut. Qui n’a jamais quitté la terre pour une connerie monumentale ???

Et je me suis assis, “recul” de plus,  la tête dans les yeux ou l’inverse je ne m’en souviens plus. Ne croyant pas possible de ne pas siroter ce perrier tant espéré.

 

JB a décidé de partir chercher une voiture avec Albert pour me rapatrier. Lucien et Guy ont commencé de me veiller . Domi, médecin heureusement, m’a pris en main.

Au sens propre aussi. En saisissant mon poignet pour chercher le pouls. Avec une telle avidité , qu’au début je me suis pris a penser qu’anticipant une fin imminente , elle en voulait carrément à ma montre. J’ai eu beau chuchoter que ce n’était pas ma Breitling habituelle, elle a continué comme une malade : résultat on était deux !!

J’ai fait Aiiieeee !!Plus par peur de me voir prématurément dépouillé, que pour  me rattacher encore à des biens matériels. Par réflexe d’humour que d’humeur. Car j’avais peur, ou chaud ou les deux à la fois. Les yeux fermés. Ce qu’elle disait d’ailleurs . Un coup de chaud. Mais, là haut, sur son guidon, l’ Edge 810 continuait de cadencer mon cœur en infirmant son jugement.

Surtout quand je confirmais que depuis 1 ou 2 jours j’étais en ennuis gastriques. Chacun comprendra que derrière ces maux et mots s’en conjuguent d’autres plus spectaculaires,

Donc, c’était plus un problème viral. Mais c’était trop tard et tentant pour arrêter la machine a traiter les malades. Principe de précaution.

J’ai pris un grand paquet d’eau dans la gueule.

Pas prévenu. J’ai hurlé bien sûr.

Mieux que de m’amener à la rivière en contrebas. De m’y jeter comme un saumon trop petit…

Bon , quand j’ai pris le 2 ème paquet d’eau, toujours dans la gueule, me suis dis “mais pourquoi tant de haine ????” Puis sur la nuque .

On m’a allongé. J’avais froid. Les crampes venaient une a une sous la couverture de survie de Myriam. Une dame parlait. Ils n’étaient que 4 au village et le curé ne venait que le dimanche.

-Et mes derniers sacrements ai-je dit ? c’est foutu ?

-Avec ou sans , de toute façon c’est mal barré , a dit Domi , repose en paix.

J’ai attendu , eux aussi, une seule voiture en 1 heure et demie est passée…sans s’arrêter pour demander ce qui se passait.

Ils m’ont veillé le temps qu’il a fallu, avec attention et recueillement.

D’ailleurs, les photos ci jointes en attestent. Quelle solidarité !!! Quelle compassion !!!100_7078 ter article perrier

C’est vraiment émouvant une telle fraternité. Je sanglote à cette pensée.

Je ne pensais qu’a rentrer. J’ai fini par le faire ,dans la voiture de JB. Parait que je délirais. Sur le perrier. Je faisais une fixation.

Plus tard , tandis que Jb s’occupait du matériel, Mado m’a raccompagné à ma chambre. Car Domi, Guy et Lucien rentraient à vélo. Morts de faim.

– Tu veux que je t’aide pour la douche ?

– Non çà va , merci…on se connait que d’hier …jusqu’ici tout va mal…plus serait indécent…

La joie quand Domi ensuite m’a apporté le perrier bien frais !!!!

Une main sur le front. Qui claque. Paf.

– 38 tu as

– Ah oui , comme çà ? Tu mesures çà comment ?

– 38 je te dis.

Merci Domi, t’es une fée. En tout cas pour les coups de baguette.

JB me l’a dit. Surtout si elle décide de te faire une piqûre, tu pars en courant. Quelque soit ton état. Question de vie ou de mort.

C’est normal, c’est un médecin. Un vrai. Pas une infirmière.

 Pour s’endormir ,apprendre à ne pas penser, me disait Claire hier à table. Inspirer longuement et profondément jusqu’à faire péter les sinus renchérissait Myriam. Me foutais de la recette de toute façon. Depuis tout petit, ne pas penser est naturel et inné. Pas eu besoin d’apprendre.

J’ai fermé les yeux. En disant merci. A toutes et tous. L’idée m’est venue que ce club m’amenait à vivre de drôles de moments à défaut d’être toujours drôles.

Que donc et désormais je jurais de faire attention à l’alimentation. Un des points essentiels du cyclo en vadrouille.

Que je lirais les articles que je préconise à ce sujet. Que je m’occuperais de la machine ET du machiniste avant de partir.

Que…sauf que Lucien a décidé de me surnommer Parjure…parce que je ne suis pas capable de me tenir à mes promesses cyclistes.

Un reste de perrier continuait de chuinter dans le verre, sur la table.

Comme une sonate au clair de lune, dans la nuit enveloppant doucement la chambre.

Domi a fermé la porte et moi les yeux.

Mais ils étaient dans ma tombe …..

Et me regardaient en coin…

Patrick, Naussac le 14/06/2014